Le travail isolé
Cette fiche prévention est dédiée essentiellement aux collectivités et aux agents concernés par le travail isolé afin de prévenir la survenue d’un accident et de ses conséquences.
Cette fiche a fait l’objet d’une validation par le Comité Technique Intercommunal en date du 30 avril 2021.
Définition
Selon la recommandation R416 de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), le travail est considéré comme isolé lorsque :
- Le travailleur est hors de vue ou de portée de voix d’autres personnes
- Sans possibilité de recours extérieur, c’est-à-dire sans possibilité d’être secouru dans des délais courts en cas d’accident.
Le travail isolé ne concerne pas uniquement des lieux isolés ou sans aucune présence. Des locaux peu utilisés peuvent constituer un local de travail isolé. De plus, selon la R416, le travail isolé n’est pas un risque en soi mais il constitue un facteur aggravant des risques auxquels sont exposés les agents.
Le travail isolé peut être temporaire.
Risques spécifiques au travail isolé
Risque de nature médicale Certaines personnes présentent des pathologies entrainant des symptômes d’apparition brusque (crises d’angoisse, d’épilepsie, cardiaques, diabétiques, vertigineuses …) qui peuvent avoir de graves conséquences en l’absence d’une prise en charge médicale rapide. |
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Risque d’isolement Le travail isolé peut être plus ou moins bien supporté. Certaines personnes éprouvent un sentiment d’abandon, de frustration d’avoir à travailler seul, alors que d’autres peuvent, au contraire, y trouver un épanouissement. |
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Risque d’accident majoré Face à une situation imprévue, le travailleur isolé peut être confronté à l’anxiété d’avoir à décider seul et avoir une réaction inadaptée. L’intervention tardive des secours peut également majorer les conséquences d’un accident. |
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Risque de violence externe Le travail isolé contribue à favoriser les agressions (pas de témoin et /ou de possible recours à autrui), notamment pour le secteur du service à la personne et à domicile, les interventions de réparation ou de livraison. |
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Risque de comportement inadapté La présence de collègue peut tempérer ou prohiber certains comportements (vitesse excessive, consommation d’alcool, non port d’un équipement de protection, utilisation d’outils inappropriés, travaux excédant les capacités physiques…). |
Travaux interdits au travail isolé
Le travail isolé n’est pas interdit en France. C’est en partie pour cette raison que le code du travail ne traite pas explicitement de cette notion. Néanmoins, il précise les travaux qui ne peuvent pas être réalisés seuls :
Risque | Activités | Références législatives |
Engins / Équipements de travail |
Les manœuvres avec un camion en cas de visibilité insuffisante. | Art.R4534-11 du Code du travail |
Le déchargement d’une benne de camion. | ||
La manœuvre d’équipements de travail servant au levage de charges dans des conditions de visibilité insuffisantes . | Art.R4323-41 du Code du Travail | |
Hauteur | Certaines interventions sur les équipements élévateurs installés à demeure ne peuvent être réalisés seul. | Art.R4543-20 et -21 du Code du travail |
Utilisation d’un harnais de sécurité et de cordes pour le travail en hauteur. | Art. R4323-61 et -89 du Code du travail | |
Electrique | La réalisation de travaux au voisinage de parties nues sous tension dans les domaines HTA ou HTB. | Art. R4544-6 du Code du travail |
L‘intervention d’une personne non habilitée dans un local électrique ou au voisinage d’installations électriques pour des opérations d’ordre non électrique nécessite la présence d’une personne habilitée et désignée. | Art. R4544-6 du Code du travail ; Art. 9 Décret n°82-167 | |
Travaux espaces confinés | La réalisation de travaux souterrains nécessite au moins une personne en permanence au niveau du treuil. | Art. R4534-51 du Code du travail |
Les travaux d’extraction par déroctage ou dragage en fleuve, rivière ou plan d’eau exposant à des risques de chutes dans l’eau. | Art.13 et 14 de l’Arrêté du 28/09/1971 | |
Chimique | L’utilisation de produits antiparasitaires. | Art.3 de l’annexe de l’Arrêté du 16/05/1983 |
Utilisation d’explosifs et de substances explosives sur les chantiers. | Art.5, 19,21 et 22 du Décret n° 87-231 du 27 mars 1987 | |
Ambiances | Travaux effectués par une entreprise extérieure dans un établissement où l’activité est réalisée de nuit dans un lieu isolé. | Art.R4512-13 du Code du Travail |
Les travaux effectués en milieu hyperbare par des travailleurs sous pression. | Art.15, 30 et 31 du Décret N°90-277 | |
Chantier forestier et sylvicole | Les chantiers forestiers et sylvicoles doivent être organisés de manière à éviter le travail isolé. | Article R717-81 du code rural et de la pêche maritime |
Certains travaux sur bois chablis et les abattages d’arbres encroués ne peuvent être réalisés seul à l’aide d’outils à main ou de machines à main. | Art. R717-82-1 du Code rural et de la pêche maritime |
Travaux nécessitant la présence d'un surveillant
Des organismes techniques et paritaires de référence (CNAMTS et Institut National de Recherche et de Sécurité – INRS) recommandent la présence d’un surveillant pour certains travaux :
Risque |
Activités |
Références |
Engins Equipements de travail |
L’utilisation d’une plate-forme élévatrice mobile de personnes par la présence d’une personne au bas de l’appareil. |
Recommandation R.486 de la (CNAMTS) |
Ambiances |
Les travaux réalisés dans des espaces confinés tels que puits, conduites de gaz, canaux de fumée, fosses d’aisances, cuves ou appareils quelconques pouvant contenir des gaz délétères |
Recommandation R.447 de la CNAMTS ; recommandation ED 6026 de l’INRS |
Projection / chute d’objets |
Le montage et démontage des pneumatiques des véhicules et engins sur roues si risque d’éclatement et de projection |
Recommandation R.479 de la CNAMTS |
Chimique |
Les interventions dans les installations frigorifiques fonctionnant à l’ammoniac ou avec des composés chlorofluorés |
Recommandation R.242 de la CNAMTS |
Mise en place de la démarche de prévention
L’autorité territoriale veille à mettre en place une démarche globale de prévention afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés. À cet effet, elle doit instaurer des mesures de prévention en intégrant le travail isolé dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels, retranscrite dans le document unique.
Il est nécessaire d’identifier les situations de travail isolé et d’évaluer les risques auxquels les agents concernés peuvent être exposés.
Pour ce faire, l’autorité territoriale doit identifier, répertorier et analyser chaque situation de travail.
Pour cela, on posera les trois questions suivantes :
- Est-ce que les agents travaillent à portée de vue de collègues ou de public ? Oui ou non
- Est-ce que les agents travaillent à portée de voix de collègues ou de public ? Oui ou non
- Est-ce que les agents peuvent être secourus dans les plus brefs délais ? Oui ou non
Si la réponse synthétique à ces trois questions est négative, alors la situation de travail sera considérée comme du travail isolé.
Il est nécessaire de tenir compte de situations ponctuelles de travail isolé telles que l’absence momentanée d’un collègue ou les situations de travail occupées par les nouveaux arrivants (stagiaires, contrats aidés, personnels des entreprises extérieures, etc.) qui peuvent ne pas avoir toutes les informations sur leur environnement de travail.
Cette identification devra être renseignée également dans la fiche de poste des agents concernés.
Mise en place de démarches préventives adaptées
La démarche de prévention suppose d’agir sur l’organisation du travail, l’environnement de travail ainsi que sur l’information et la formation des agents. Des mesures doivent être également adoptées pour améliorer à la fois le déclenchement et l’organisation des secours.
Moyens organisationnels
- Rechercher prioritairement à supprimer le travail isolé et diminuer la durée des interventions en priorisant le travail à deux comme, par exemple, pour l’entretien de locaux de deux agents travaillant durant 3 heures dans des bâtiments différents et proches
- Établir un système de surveillance directe ou indirecte de jour comme de nuit, lorsqu’un ou plusieurs salariés travaillent sur des postes isolés afin d’assurer d’une bonne organisation de secours pour intervenir suffisamment tôt en cas d’urgence.
- Aménager les postes, les lieux de travail et leur environnement afin de permettre la visibilité du poste de travail.
- Modifier l’organisation ou le contenu de l’activité afin de permettre au travailleur isolé de communiquer régulièrement avec d’autres personnes à même d’intervenir rapidement en cas d’urgence par un changement de plage horaire d’intervention.
- Réorganiser les activités en programmant celles les plus à risques et obligatoires, durant la présence de collègues.
Moyens techniques
- Un système de géolocalisation et d’alerte peut être mis en place (DATI : Dispositif d’Alarme du Travailleur Isolé). Son choix doit être le plus simple possible et fonctionnel de façon à ce qu’il soit adapté aux conditions de travail et aux risques auxquels sont exposés les agents isolés. Le système doit également être permanent, c’est-à-dire que sa mise en œuvre doit être fiable dans le temps.
Ce système permet de :
- Doter les travailleurs isolés d’un moyen d’alerte,
- Assurer une surveillance à distance
- De connaître la survenue d’un accident
- De localiser un accident
- D’assurer la liaison du salarié isolé avec un autre travailleur ou un poste de soin d’urgence
- De mobiliser les secours dans les meilleurs délais.
- D’autres moyens de communication peuvent être utilisés tels que le talkie-walkie, le téléphone fixe ou mobile (Ex : application spécifique contre le travail isolé)
- Par ailleurs, les agents en situation de travail isolé et présentant des pathologies particulières peuvent également être identifiés à l’aide d’une carte d’identification qui renseignera notamment les éléments ci-après :
- Informations du salarié (Nom, Prénom, fonction, etc.)
- Identification de la pathologie susceptible de se produire (ex : malaise hypoglycémique, crise d’épilepsie…)
- Précision sur les gestes à faire en cas d’accident
- Indication des personnes à contacter en cas d’urgence (numéro des secours, collectivité, collègues, etc.).
Moyens humains
- Formation à l’utilisation du dispositif
Pour que la dotation de ces dispositifs d’alerte et de géolocalisation soit la plus efficace possible, il est essentiel que les agents concernés soient informés et formés sur l’utilisation de l’équipement. Chaque agent doit également s’assurer que le matériel mis à sa disposition soit correctement entretenu (ex : recharger le DATI après son service, contrôler son bon fonctionnement, signaler tout dysfonctionnement, etc.). - Formation 1er secours
Des formations complémentaires aux premiers secours (Sauveteur Secouriste au Travail, Prévention et secours civiques de niveau 1, etc.) peuvent également être dispensées aux agents afin qu’ils aient connaissance de la conduite à tenir et des gestes de premiers secours à réaliser en cas d’urgence pour les agents concernés - Formation accueil sécurité
Cette formation doit être établie lors de la première prise de fonction des agents par l’intermédiaire d’un accueil sécurité, mais également suite à toute réorganisation ou modification des méthodes de travail (Ex : changement de fonction, de techniques, de matériel, transformation des locaux, évolution des dispositifs d’alerte, modification des consignes/procédures de sécurité, etc.).
L’information et la formation données aux agents concernés par le travail isolé quel que soit leur statut (fonctionnaire, agent contractuel, saisonnier, stagiaire…), doivent être accompagnées de consignes et des procédures de sécurité écrites, explicites et adaptées à la réalité du terrain :
- Consignes sur la conduite à tenir en cas d’urgence
- Consignes relatives à l’utilisation du matériel mis à disposition des agents
- Procédure pour le suivi et la prise en charge des travailleurs isolés en situation de détresse
- Procédure de gestion de l’alerte du dispositif
- Mise en place de moyens de communication avec un poste de secours et des personnels affectés à ces tâches
- Procédure de levée de doute afin d’éviter une multiplication du déclenchement de secours lors de fausses alarmes
Fiche prévention : le travail isolé
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Références juridiques
- Article 2-1 et 6 du décret n°85-603 du 10 juin 1985, relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ;
- Article L.4121-1 du Code du travail, définit les obligations de l’employeur pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
- Article R.4543-19 à 21 du Code du travail, relatif aux travailleurs isolés ;
- Article 28 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, définit les droits et les obligations des fonctionnaires
- Décret n°82-167 du 16 février 1982 relatif aux mesures particulières destinées à assurer la sécurité des travailleurs contre les dangers d’origine électrique lors des travaux de construction, d’exploitation et d’entretien des ouvrages de distribution d’énergie électrique ;
- Décret n°90-277 du 28 mars 1990, relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare ;
- Décret n°2010-1603 du 17 décembre 2010, relatif aux règles d’hygiène et de sécurité sur les chantiers forestiers et sylvicoles ;
- Arrêté du 28 septembre 1971, définit les mesures de prévention contre le risque de noyade lors des travaux d’extraction par déroctage ou dragage en fleuve, rivière ou plan d’eau ;
- Arrêté du 16 mai 1983, relatif à l’extension des dispositions générales relatives aux mesures de sécurité à prendre lors de la préparation et de l’emploi des produits antiparasitaires destinés à l’agriculture ;
- Instruction technique SG/SAFL/SDTPS/2018-79 du 26 janvier 2018: Mise en œuvre de la réglementation relative aux règles d’hygiène et de sécurité sur les chantiers forestiers et sylvicoles.
Recommandations et références
- Recommandation R416 – Travail isolé et dangereux
- Recommandation R242 – Installations frigorifiques fonctionnant à l’ammoniac ou avec des composés chlorofluorés
- Recommandation R252 – Postes de travail isolés et dangereux ou essentiels pour la sécurité
- Recommandation R447 – Prévention des accidents lors des travaux en espaces confinés
- Recommandation R479 – Interventions, en atelier, sur les roues et pneumatiques des véhicules et engins
- Recommandation R486 – Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité des Plates-formes élévatrices mobiles de personnel.
- ED 6026 – Interventions en espaces confinés dans les ouvrages d’assainissement. Obligations de sécurité
- ED 6288 – Travail isolé pour une démarche globale de prévention.